Thursday, November 10, 2005

Madeleine de Proust à l’israélienne




A l’étranger, c’est drôle, on met toujours plus de temps à dénicher ce qui se trouve juste sous notre nez.
C’est là qu’on se rend compte que notre inconscient est totalement imprégné de formes, de logos, de couleurs familières ; et que l’on se trouve totalement déstabilisé lorsque il faut se mettre à se débrouiller en terre inconnue.
C’est une des raisons pour lesquelles j’ai mis pas loin d’une semaine avant de mettre la main sur LE super-supermarché de mon quartier.
Je passais devant tous les matins pour aller au journal, en me disant " mais qu’est ce que c’est que cet affreux bâtiment rouge et jaune avec des petits drapeaux ? Je suis sûre que c’est l’un de ces horribles magasins " tout pour votre voiture adorée ", une sorte de Feu Vert ou de Midas à l’israélienne ". Le genre d’endroit très utile, certes, mais dans lequel tout individu sensible aux balades champêtres et aux bus au colza, a horreur de s’éterniser. Un peu comme le rayon " vis et écrous " de Leroy Merlin, le dimanche matin. Et dire que certaines personnes adorent y traîner leurs baskets et leur jogging plein de peinture. C’est un truc qui me dépasse.

Bref, hier, j’en enfin trouvé le royaume d’Ali Baba : à l’intérieur, c’est le dépaysement total, comme toujours lorsque l’on part à l’étranger.
Un couple d'Américains du Bed and Breakfast faisaient remarquer au petit déjeuner, que les rouleaux de PQ étaient deux fois plus gros aux US qu’ici… Un sens de l’observation très poussé, ces amerloques. A dire vrai, ce n’est pas ce qui m’a frappée en premier (enfin ce n’est pas ce qui m’a frappée tout court).
La chose la plus flagrante, c’est la différence en matière d’alimentation (d’où peut-être une utilisation différence des rouleaux de papier toilette ? Hum, va savoir).

Le rayon Houmous est à peu près l’équivalent de notre rayon fromage, soit une dizaine de mètres de plus que le rayon yaourt en GB ou en Irlande puisque chacun sait que nos amis anglosaxons ne sont pas de grands amateurs de produits laitiers.
Et du Houmous, il y en a pour tous les goûts, du pois chiche, du chou, de l’aubergine, des herbes et j’en passe … Je me suis laissée tenter et maintenant me voilà écoeurée jusqu’à la fin de la semaine, avec deux pots géants de Houmous sur les bras (ou plutôt sur l’estomac).

Le rayon sucreries est, lui aussi, des plus conséquents, sans parler des étagères à kippas (on ne peut plus typique), et de la musique très rabbi jacobesque qui vous encourage allègrement, entre deux pirouettes dans le rayon surgelés et trois pas de danses aux stands de légumes, à remplir joyeusement le caddie (tu m’étonnes qu’il y ait autant de hassidiques dans ce quartier).

Pour les non-habitués, la musique folklorique c’est toujours amusant. Ca change d’une Céline Dion vociférant dans les hauts-parleurs d’Auchan. Mais remarquez, peut-être que la ménagère israélienne de moins de cinquante ans en a aussi marre de se taper tous les jeudis soirs de la musique klezmer de supermarché. Peut-être autant que moi de Céline Dion.

Mais la grande découverte s’est faite au rayon du chocolat. Prise d’une envie subite de sucre, j’ai attrapé au hasard une plaquette qui m’avait l’air bien sympatique avec une jolie vache en illustration (bon en même il y aurait pu y avoir écrit poison mortel sur l’emballage pour moi tout ce qui compte vu que je ne lis pas l’hébreu, c’est la vache).

En sortant, impossible de résister. Je déchire l’emballage et je casse trois gros carrés d’un chocolat au lait bien craquant.
Et là au milieu, du terre-plein de Rehov Yirmiyahou plus rien ne compte. Les chauffards israéliens peuvent bien m’écraser s’ils le souhaitent. Je savoure ma madeleine de Proust.
Brusquement, c’est tout un pan d’enfance qui remonte. Cette vache là ressemble en fait étrangement à un dauphin aujourd’hui mystérieusement tombé dans l’oubli : celui du Galak. C’est exactement le même goût. Ce n’est pas n’importe quel chocolat blanc. C’est la réplique exacte du Galak de nos jeunes années, vous dis-je. Et avec lui, ô combien de souvenirs. La saveur des pain-beurre-chocolat au-bon-goût-de-sable-du-bac-à-sable-qui-croustille-sous-la-dent. Les parties de cache-cache dans le parc, les mercredis après-midi club Dorothée (oui, je le confesse), affalée devant la télé, les colères au rayon confiserie pour en avoir justement, du Galak, parce qu'il ne coûte pas le même prix que le chocolat Milka au bon lait des Alpes. Quelques centimes, c'est sûr. Mais c'est le principe.

Finalement, il suffit d’un rien, pour se trouver propulser, l’espace de quelques secondes, une quinzaine d’années en arrière. Si l’on m’avait dit à 8 ans que ma Madeleine de Proust je la retrouverais à la tombée de la nuit, Rehov Yirmiyahou, au milieu des taxis israéliens et des hassidiques en toques fourrées…

2 comments:

Andrea said...

Très poétique entrée:-) il y a toujours quelque chose de magique à dénicher au coin d'une journée une Madeleine de Proust...

Constance qui se console dans le Nutella et qui regarde avec nostalgie de vieux épisodes de X Files mais ce sont plus les sensations, les circonstances de mon premier visionnage que le scenar qui me revient en mémoire... comme cet épisode sur des abeilles tueuses regardé un plateau repas sur les genoux par terre, un oreiller contre le dos ou cet épisode oeuillé en alternance avec un devoir de maths et toutes les discussions du jeudi matin avec ma kiné qui regardait aussi et qui m'accueillait par un "cela a dû te mettre de bonne humeur hier"^^

Anonymous said...

Aaaahhh! Le chocolat blanc Galak...
Ton billet a fait ressurgir un paquet de souvenirs zémus. Comme, par exemple la pub télé Galak, dont je me souviens encore, avec Oum le dauphin (héros d'une série de dessins animés), et dans laquelle la tablette de chocolat blanc servait de miroir à Yann et Marina (les amis de Oum) pour envoyer des signaux et chercher de l'aide.
Merci à toi pour ce petit moment de bonheur dans la journée, découvert au détour d'une visite recommandée par Marie Simon...
Je reviendrai très vite lire tes billets.